2023 : on y croit !

Hello les deux du fond ! J’ai réussi à faire aussi pire que l’année dernière, c’est-à-dire rédiger mon bilan annuel mi-mars. Comme l’année passée, l’hiver et le début d’année ont été un tunnel de boulot assez dense, et j’ai eu bien d’autres choses à faire et à penser. Bref : maintenant qu’il est permis de lever le nez et de prendre une bonne respiration avec, regardons un peu en arrière : mais diable, qu’est-ce que j’ai donc fait en 2023 ?

D’abord, je n’ai pas créé de jeu : ça, c’est fait. Et ce n’est pas grave. Le temps reviendra où je serais auteur de jeu, mais pour ça il faudra que le jeu lui-même ait du sens, et qu’il ait sa raison d’être culturelle, ici et maintenant. L’organisatrice du festival des jeux de Cannes annonçait fièrement dans son discours le mois dernier qu’il se vendait environ 80 000 jeux de société par jour en France. Je ne sais pas quelle fierté on peut réellement tirer de ce chiffre au vu des enjeux écologiques, de la nécessaire sobriété à introduire dans nos modes de vie, et de l’indispensable baisse de production et de consommation de biens que ça implique. J’imagine qu’elle devait parler de la « bonne santé financière du secteur ». Soyons heureux, on achète et on vend, jusqu’ici tout va bien.

Que les plus cyniques se rassurent : je n’ai toujours pas émigrer dans une cabane au fond des bois, et j’ai participé indirectement à cette industrie en bossant en tant que graphiste pour des éditeurs de jeux. Vous pouvez donc m’attaquer ad hominem, je prête le flanc, faites vous plaisir. Pendant ce temps je vais continuer de donner le fond de ma pensée sur le présent et l’avenir du jeu de société, parce que ça me parait nécessaire, et que c’est un media auquel je tiens. Je ne suis pas prophète de grand chose, mais maintenant je ne suis pas seul à me dire qu’un remise en question est nécessaire. Depuis mi-2023, à l’initiative de Julien Prothière, une dizaine d’auteurs et d’autrices se sont réunis pour en causer, de tout ça : la place du jeu de société en tant qu’objet politique, entre autres. On a organisé une résidence à l’automne où on a commencé à s’interroger sur nos pratiques, à sortir des discussions éditoriales ou de pur game design.

Parallèlement, avec le jury du Prix Lizzie Magie, qui est remis lors de Rennes en Jeux et qui récompense « l’engagement social, politique ou environnemental dans le jeu de société », on s’interroge sur ce que disent de nous les jeux qui sortent, « nous » en tant que société française, occidentale, soit-disant post-coloniale. On a découvert tout un pan d’auteurs et d’autrices, souvent auto-édités, se fédérer en « Collectif du Jeu Engagé ». A Cannes, j’ai participé à une table ronde intitulée « Au-delà du divertissement », où on étaient (malheureusement) tous d’accord, à nous 30 dans la salle, pour dire qu’il y avait de belles oeuvres à chercher là-bas, au-delà du divertissement. Il y a quelque chose qui frémit dans notre petit bouillon de culture. Ca commence à se voir, que les 1500 jeux qui sortent tous les ans tournent en rond sur les mêmes thèmes, avec un « twist » ou un « effet wahou » dans un coin pour faire bonne mesure.

Au printemps dernier, je me suis fait hameçonner par un vieux copain, qui fait partie des Editions du Commun, un éditeur rennais engagé, pour écrire un bouquin sur l’usage politique du jeu de société. Ca fait quelques années que je radote les mêmes constats, en tâchant d’étayer ma réflexion : voilà l’occasion de mettre tout ça par écrit. Ca fait 8 mois que je suis en recherche documentaire, où j’ai accumulé des refs dans tous les sens, où j’ai découvert des pans entiers de l’histoire du jeu de société dont j’ignorais l’existence, et qui sont tellement porteurs d’enseignement… là j’ai attaqué la rédaction proprement dite depuis quelques semaines. C’est un exercice pas évident, qui demande de la concentration et de la discipline. J’ai refusé toute forme de boulot pendant les prochains mois pour pouvoir m’y consacrer, et achever mon pavé. Enfin, pavé, c’est vite dit : on verra où me mènera mon plan, il ne faut pas s’attendre à une publication universitaire, ce n’est pas mon métier. Mais il y a des choses à dire, et pas qu’un peu…

Bref. Une fois ce gros morceau terminé, je me poserais la question de refaire des jeux, mais autrement. A l’année prochaine !