2018, année de la Huître

Ne me demandez pas d’expliquer cette perle de métaphore hasardeuse. Ca rime, point. Bref, voici venu le temps des rires et des chants, voici venu l’heure du bilan, annuel comme tous les ans. Bienvenu donc aux deux du fond : sans vous, ce texte ne servirait vraiment, mais vraiment à rien. Merci d’être là.

Côté publications, ce fut une année somme toute très chouette. Quatre jeux publiés – je compte les 3 Penny Papers comme des jeux différents pour faire monter le compteur, et puis aussi parce que ma foi, ils le sont ; j’ai suffisamment bossé sur chacun d’eux pour pouvoir l’affirmer sans honte. Donc quatre de mes jeux furent publiés cette année : les trois jeux de la gamme Penny Papers Adventures, ainsi que Peanut Club.

Je dois dire, sans vouloir jeter des fleurs aux éditeurs de ces jeux (qui se reconnaitront, et à qui je fais encore des bisous), que je suis très content du déroulement du processus éditorial de chacun d’eux. J’ai eu la chance de bosser sur l’habillage graphique de ces quatre jeux. Les éditeurs m’ont fait confiance et ont semble-t-il été très contents du résultat : quand tout le monde est content, ben moi aussi.

Ce travail effectué sur la direction artistique et l’habillage des jeux représente en fait le plus gros de mon bilan. Voilà ce que j’ai fait toute l’année : j’ai travaillé pour des éditeurs variés sur la DA et ou l’habillage de leurs jeux, quand ce n’était pas sur des visuels de communication pour une campagne KS. Je dois prendre le temps de mettre mon book graphique à jour, mais en vrac, j’ai bossé sur un jeu de Martin Wallace, un autre de Richard Borg, j’ai bossé un petit peu sur Sonar Family, j’ai travaillé sur l’excellent Dungeon Academy du copain Julian Allain qui sortira peut être un jour (le jeu), et puis sur du Napoléon Saga pour l’Oeuf Cube, sur du Qwarks (où j’ai même fait les illustrations, c’est une première !), du Living Planet, et plein de bidules et de logos pour des gens du ludique qui me l’ont demandé.

Tout ça m’a tenu occupé l’air de rien à temps plein, à tel point que je n’ai eu que peu de temps pour créer de nouveaux jeux. Ca finit par me manquer sévère, mais quand on vient vous chercher pour vous proposer du boulot, en tant que graphiste indépendant, on ne peux pas se permettre de refuser – il faut garder à l’esprit les temps de disette passés et futurs, et prendre le travail quand il vient. Je ne me plains donc pas, j’ai bien bossé (et ça continue), mais question création de jeux, je n’ai pas pu avancer comme je le souhaitais.

Dans le même temps, étrangement, la plupart des jeux présentés l’année passée ont trouvé un éditeur ; à tel point que je devrais avoir une demie douzaine de jeux à sortir en 2019. Rien que ça. Mais du coup, je n’ai plus de prototypes dans ma musette. Pour la première fois, d’ailleurs, j’ai été à Essen sans prendre aucun rendez vous éditeur, avec cette impression vaguement coupable de perdre mon temps à faire le touriste et serrer des paluches. J’ai donc pu prendre toute la (dé)mesure, au fil de mes déambulations dans les allées du Messe, de l’évolution du marché. Ce n’est rien de dire que le nombre de sorties explose, quand on le constate de visu, c’est autre chose. Le nombre de joueurs, lui, n’augmente pas en proportion, et le résultat c’est que les ventes sont diluées par le nombre de sorties. Hormis quelques réels succès, il devient encore plus dur pour une nouveauté en boutique d’exister au milieu de toutes les sorties de la semaine passée et celles de la semaine suivante… inutile de souligner que cela n’améliore pas la situation des auteurs de jeux, pour qui il est déjà extrêmement difficile de se professionnaliser.

A propos des auteurs de jeux, justement : c’est la deuxième année d’existence pour la Société des Auteurs de Jeux, dont je fais partie du conseil d’administration. Les choses avancent, lentement mais surement. Lentement parce qu’on a tous (les membres du CA) déjà un ou deux métiers (auteur de jeux et un autre), sans parler de la famille. Mais surement, parce que mine de rien on apprend énormément et que l’association structure clairement notre profession ; également parce que je constate chaque semaine qu’on apporte une aide concrète aux auteurs. Dans un contexte où les réformes sociales et fiscales qui concernent les artistes auteurs n’aident pas non plus, je peux affirmer que la SAJ est utile et nécessaire.

Voilà pour mon bilan de l’année 2018. En conclusion, je dois également ajouter un constat à titre personnel. L’urgence des enjeux écologiques (voire politiques au sens large) impose à mon sens de plus en plus une prise de conscience nécessaire. Lorsque je regarde notre « hobby », nos métiers du ludique, et les jeux publiés de manière générale, je ne peux que faire le constat de notre vacuité à ce sujet. Le jeu de société n’est pas un media mâture, et son contenu reste majoritairement dicté par sa fonction – le divertissement. Thématiquement, entre Chtulhu, les pirates et les donjons, il n’existe aucune place dans le spectre éditorial pour des intentions engagées, réalistes ou politiques. La production des jeux, que ce soit au niveau du matériel (les KS de kiloplastique…), ou que ce soit au niveau de la fabrication (production délocalisée pour des coûts financiers moindres, mais avec un impact écologique et social désastreux), reste une industrie sale. Une bonne part de mes jeux à paraitre l’année prochaine seront produits en chine, et j’ai deux KS prévus de longue date qui seront remplis de figurines… en bon schizophrène, je ne peux pas les désavouer, mais c’est un paradoxe que j’ai de plus en plus de mal à tenir. A nous (moi et vous) de changer pour le mieux, et de créer des alternatives…