Le voici, le bilan en retard – mais pas trop pour une fois – de l’année écoulée ! Bienvenu donc aux deux du fond qui me suivent, et pour qui j’écris ce bilan chaque année. Etrangement, j’ai l’impression que l’année 2017 fut plutôt calme, et pourtant quand je fais la liste de ce qui s’est passé, il y a tout de même un paquet de nouvelles choses.
D’abord, soufflons une petite bougie sur un petit gâteau : outre le fait que j’ai fêté mes quarante ans de vieux cette année, ça fait surtout dix ans qu’est sorti mon premier jeu publié, Ar Seizh Bigoudenn. 21 publications en dix ans (en comptant les extensions, les gratuits et les micro-éditions), je me dis que c’est honorable – en tout cas c’est beaucoup plus que ce que j’aurais pu imaginer il y a dix ans. Je ne suis certes pas l’auteur le plus productif de la profession, mais on peut au moins m’accorder une certaine pugnacité.
Concernant mes jeux publiés cette année, je suis passé sous les radars francophones : et pour cause, mes deux jeux publiés, Lecker Mammut et Blank, sont disponibles uniquement en Allemagne pour le premier, et « un peu partout dans le monde mais pas en France » pour le second. Pour Lecker Mammut, il s’agit d’un petit jeu de cartes parmi la demi douzaine que publie Amigo chaque année (j’en parle ici). Je devrais bientôt récupérer les droits sur le jeu pour toutes les zones géographiques hors Allemagne, et j’ai bon espoir de lui trouver un nouvel éditeur. Le jeu n’est certes pas une perle d’originalité mécanique, mais c’est une petite bombe d’efficacité grand public, qui mérite à mon sens de trouver un éditeur qui lui assure une large diffusion.
Concernant Blank, la question de la distribution en zone francophone est en train de se résoudre en ce moment même, j’espère donc le voir débarquer par chez nous dans le courant de l’année 2018.
A propos de la SAJ
Ce n’est pas rien tout de même : la Société des Auteurs de Jeux (de société) est née au printemps 2017. Je suis très fier et très heureux de participer à la construction de cet organisme, dans lequel je me suis pas mal investi. En se rassemblant et en communiquant entre nous sur nos problématiques et nos attentes, nous autres auteurs de jeux de société commençons à comprendre que nous sommes plus que quelques mercenaires illuminés de l’industrie ludique. Il y a déjà eu beaucoup à faire cette année pour construire l’association (déclarations administratives, réalisation du site, gestion des adhésions et de la communication, etc.), et le plus gros arrive – interpeller les institutions. Parce que oui, Auteur de Jeux, c’est un métier – mais j’y reviendrais dans un papier sur lequel je travaille depuis quelques temps et que j’espère publier dans les semaines à venir. M’impliquer dans la SAJ m’a permis de formaliser quelques opinions sur notre situation, et je pense qu’il est important de les mettre par écrit.
Oups, I did it again
En septembre, j’ai eu l’honneur d’avoir un de mes jeux primé au concours de Boulogne une seconde fois. Après Ekö en 2014, c’est « Murder Express » qui a remporté l’adhésion des testeurs et du jury en 2017. Évidemment c’est un énorme boost pour le moral, l’espace de quelques jours on a les pieds qui ne touchent pas le sol – et puis bon, comme malgré tout les paparazzis n’attendent pas devant la porte, on redescend et on se remet au travail… Le jeu devrait sortir chez Gigamic en 2019. Je dois saluer encore une fois l’énorme boulot effectué par le CNJ et par Erwan Berthou en particulier, qui part avec les prototypes finalistes et son bâton de pèlerin tous les ans à Essen afin de les montrer à des éditeurs d’un peu partout dans le monde, en plus des présentations faites aux éditeurs en amont de la finale. C’est un gain de visibilité énorme pour un prototype.
De la direction artistique
Comme on peut le voir sur ce site, la moitié de mon activité, c’est de la création graphique. Mine de rien, cette moitié là m’a pas mal occupé cette année : il se trouve que je fais de plus en plus de direction artistique et/ou de travail graphique pour des éditeurs, et pas que sur mes jeux. Ça implique un peu de gestion de projet, pas mal de feedbacks avec les illustrateurs, et bien sûr le travail graphique sur l’habillage du jeu – sans parler de la réalisation des éléments de communication quand les éditeurs n’ont pas de graphistes en poste pour le faire. Cette année j’ai travaillé sur toutes sortes de jeux, comme Napoleon Saga, Qwarks, la localisation de Ninja Camp, et les trois boites de Penny Papers qui doivent sortir chez Sit Down au prochain festival de Cannes. J’ai encore des projets sur le feu dans ce domaine : je travaille sur un jeu du copain GRALeux Julian Allain à sortir chez Matagot, sur un jeu de figurines tactique (dont je suis l’auteur cette fois) également chez Matagot, sur lequel on travaille depuis plus de deux ans, et aussi sur un jeu de Martin Wallace pour un éditeur britannique, et sur un de mes jeux à sortir chez Lumberjacks… bref, y a du pain sur la planche. C’est un boulot passionnant, et je suis bien content de voir que de plus en plus éditeurs me font confiance sans que j’aille les chercher, mais du coup, j’ai beaucoup moins de temps pour bosser sur mes prototypes à moi… on ne peut pas tout faire.
What’s next ?
2018 s’annonce bien remplie. Au festival de Cannes sortiront les trois boites de la gamme « Penny Papers Adventures » lancée par Sit Down. C’est un projet ambitieux de sortir trois petites boites d’un coup, et je salue encore une fois le courage de Sit Down, avec qui j’apprécie toujours autant de travailler. J’ai avec eux encore un ou deux projets dans les tuyaux : une nouvelle édition de Wiraqocha est en chantier, qui devrait faire l’objet d’un Kickstarter (à une date encore incertaine) ; on oublie pas Sushi Dice, qui a dépassé les 50 000 exemplaires vendus, et que nous comptons bien continuer à faire vivre ; et j’ai une extension pour Ekö qui attend, bien au chaud, qu’on ait le temps de s’y mettre sérieusement.
A Paris est Ludique, si tout se passe bien, devrait être publié chez Lumberjacks un jeu d’enchères sous stéroïdes bien fun, dont le nom de code est pour l’instant « Qui Dit Mieux ? » – mais c’est encore en cours de réflexion avec l’éditeur, il portera donc peut être un autre nom.
Enfin, début 2019, j’ai deux jeux qui parlent d’enquêtes et de meurtres à sortir respectivement chez Blue Orange et Gigamic, le premier étant un petit jeu de déduction et de rapidité familial, et le second étant Murder Express, primé à Boulogne cette année. Mais on en reparlera l’année prochaine…
Que conclure à la fin de cette année ? que je profite. Etre travailleur indépendant, que ce soit graphiste ou auteur de jeux, c’est certes gagner une indéniable « liberté » dans son travail, mais c’est aussi avancer dans l’incertitude permanente de pouvoir gagner sa vie correctement le mois ou l’année suivante. On est jamais certain que ses jeux vont attirer le regard des éditeurs (puis des joueurs), comme on est jamais certain de réaliser des prestations graphiques dans les mois à venir. Et bien en ce moment, c’est une année « avec », donc je profite, je mets de côté pour « quand la bise fut venue »… et comme dit le poète, tant que le vent soufflera, je repartira !